À une époque où les Écritures sont souvent mises à mal et prises hors contexte, il s’avère important de pouvoir justifier notre enseignement d’Ésaïe 14 et d’Ézéchiel 28. La dernière chose que nous voudrions faire serait d’allégoriser ou de rechercher un sens plus profond à un passage, à moins que celui-ci ne soit clairement destiné à être compris de cette manière par son auteur. Nous sommes bien conscients que certains érudits de la Bible adoptent un point de vue différent pour interpréter ces passages et que cette tendance se retrouve dans certaines notes d’étude.
Lors de la rédaction de L’Homme sur le chemin d’Emmaüs, nous avons voulu nous concentrer sur les notions de base sans nous laisser distraire par certains défis existants en matière d’exégèse. Certains passages des Écritures sont plus difficiles à interpréter que d’autres, et Ézéchiel 28 et Ésaïe 14 font partie de cette catégorie.
Il est vrai que nous ne savons pas beaucoup de choses sur Satan, et nous ne voulons certainement pas en dire plus que ce que Dieu a choisi de nous révéler. Cependant, lorsqu’on assemble toutes les pièces du puzzle, nous découvrons qu’Ézéchiel 28 et Ésaïe 14 jouent un rôle important. Si vous faites une recherche sur le nom « Satan » dans une Bible d’étude thématique, Ézéchiel 28 et Ésaïe 14 ressortent comme des passages clés sur le diable. Le fait d’ignorer ou de restreindre le sens de leur contenu peut avoir des conséquences non négligeables. Nous croyons que les Écritures nous présentent suffisamment de preuves pour pouvoir raisonnablement affirmer que Satan est le sujet de ces passages. Les paragraphes qui suivent présentent quelques-unes des raisons motivant cette interprétation.
Herméneutique (principes d’interprétation)
Il n’existe aucun doute que les deux passages en question font d’abord référence à deux rois terrestres, soit au « roi de Babylone » pour Ésaïe et au « prince de Tyr » pour Ézéchiel. Il faut cependant tenir compte d’un contexte plus large. Les deux passages comprennent en effet des énoncés incidents qui sembleraient inappropriés, voire impossibles, si on les appliquait à un être humain. À ce stade, on doit prendre en considération un principe herméneutique de base parfois appelé le principe de double référence.
En termes simples, un passage unique qui s’applique principalement à une personne ou à un événement proche dans le temps peut aussi se rapporter à une autre personne ou à un autre événement. On peut en trouver des exemples dans des passages cités par Christ.
- Osée 11.1 « Quand Israël était jeune, je l’aimais, et j’ai appelé mon fils à sortir d’Égypte. » Le contexte immédiat de ce passage fait référence à Israël. Mais Matthieu 2.15 applique ce passage à Christ : « . . . J’ai appelé mon fils à sortir d’Égypte. » Le principe de double référence nous montre qu’Israël était un fils sur le plan national, mais que le « Fils » plus grand était Christ.
- Deutéronome 18.15 « L’Éternel, ton Dieu, fera surgir pour toi et du milieu de toi, parmi tes frères, un prophète comme moi : c’est lui que vous devrez écouter. » Le contexte immédiat fait référence à Josué. Mais Actes 3.22-23 l’applique à Christ. Si les Écritures ne faisaient pas ce lien, il ne nous serait jamais venu à l’idée que ce verset puisse être appliqué de cette manière. Grâce au principe de double référence, nous voyons que Josué était un prophète que l’on devait écouter, mais que le prophète par excellence qu’on doit encore plus impérativement écouter est Christ.
On pourrait mentionner encore beaucoup d’autres exemples, mais ceux-ci devraient suffire pour montrer que le principe de double référence est bien établi dans le domaine de l’herméneutique biblique et qu’on doit en tenir compte lorsqu’on interprète des passages qui semblent pointer au-delà du moment présent.
Ézéchiel 28
Si ce passage faisait seulement référence au prince de Tyr, il faudrait alors admettre qu’il s’agit d’une allégorie ou même d’une exagération.
- Ézéchiel a-t-il vraiment pensé au « prince » lorsqu’il l’a décrit comme étant « intègre dans ses voies »? La doctrine du péché originel serait remise en question si l’on considérait que le « Prince de Tyr » a été « intègre depuis le moment de sa création ». En contraste, le roi David a écrit « Oui, depuis ma naissance, je suis coupable; quand ma mère m’a conçu, j’étais déjà marqué par le péché. » (Psaume 51.7) Satan était sans péché lorsqu’il a été créé, mais cela ne pourrait pas être dit d’un souverain terrestre, pas même du roi David.
- Il est aussi dit du roi de Tyr qu’il a été « créé » plutôt qu’il est « né ». Si l’on avait utilisé le mot « né », cela aurait avec certitude exclu Satan, mais ce n’est pas le cas.
- Le prince de Tyr n’aurait pas pu être dans le jardin d’Éden, mais Satan y était.
- Il semble étrange que le roi soit décrit comme étant « couvert de toute espèce de pierres précieuses ». Était-il si riche que cela? Si ce passage faisait seulement référence à un roi, on aurait ici une exagération.
- Le roi est appelé « chérubin protecteur ». Cela serait la seule instance dans l’Ancien Testament où cette expression serait utilisée pour faire référence à un être humain. Cela semble improbable si l’on étudie l’utilisation du mot « chérubin » dans d’autres contextes.
- À un moment donné, il aurait fallu que le « roi de Tyr » ait été en relation étroite avec Dieu, car il est dit de lui qu’il était sur la sainte montagne de Dieu. Il est évident que cela ne pouvait pas avoir été le cas, on aurait ici une allégorie. La « sainte montagne de Dieu » est une référence directe au trône de Dieu. D’un autre côté, les « chérubins » sont associés à une proximité de Dieu, comme cela est démontré dans la construction de l’Arche de l’alliance. Les « chérubins » (chérubim, un mot pluriel en hébreu) sont le « cercle intime » d’anges qui sont le plus près de Dieu et qui sont les gardiens de sa sainteté. “
Il n’y a donc aucun doute que le prince de Tyr n’est pas la seule personne à qui ce passage fait référence. Par ailleurs, il devient très raisonnable de croire que ce passage parle de la puissance dominante qui est à l’origine des actions du prince de Tyr.
Il convient aussi d’observer que le fait de s’adresser à Satan par le biais d’un être humain est cohérent avec un autre passage des Écritures. Dans Matthieu 16.23, nous voyons que « Jésus se retourna et dit à Pierre : Arrière, Satan, tu es un piège pour moi, car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. » Jésus parlait à Pierre, mais il adressait ses commentaires à Satan. En lisant ce passage avec soin, il est difficile de déterminer quelle partie de la déclaration était destinée à Pierre et quelle partie à Satan (on éprouve parfois la même incertitude dans les passages d’Ésaïe et d’Ézéchiel). Dans tous les cas de figure, Pierre s’est fait passer un savon et Satan, la puissance dominante à l’origine des paroles insensées de Pierre, a été remis à sa place. De la même manière, le prince de Tyr a été averti et Satan, le maitre invisible qui contrôlait son règne, a été exposé au grand jour.
Ésaïe 14
D’une certaine façon, Ésaïe 14 et Ézéchiel 28 sont quelque peu similaires. La première phrase du verset 14.12 constitue la clé de ce passage. Ésaïe semble changer de sujet et parler d’une autre personne que du roi de Babylone. À moins de prendre aussi ce passage d’Ésaïe de manière allégorique, on est obligé d’appliquer le principe de double référence.
- Il semble difficile d’envisager que le roi de Babylone puisse « tomber du ciel ». Le verset implique que celui qui est tombé se trouvait à l’origine au ciel, que le ciel était son foyer original. Le fait que la chute du ciel est à prendre littéralement est renforcé par la phrase « Te voilà abattu par terre ». Cela ne pourrait pas s’appliquer à un prince terrestre.
- Le péché que le « roi » démontre dans ses cinq affirmations commençant par un égocentrique « Je… » semble aller plus loin que les aspirations les plus bizarres et narcissiques de n’importe quel être humain. D’un autre côté, elles sont tout à fait cohérentes avec ce qu’on peut attendre de Satan.
- Comment le roi se proposait-il de « monter au ciel »?
- Le roi pensait-il vraiment qu’il pouvait usurper le trône de Dieu?
- Se croyait-il capable de s’assoir sur la « montagne de la rencontre » (la position la plus élevée au ciel)? Cela semble de toute évidence une ambition humaine peu probable, même pour un roi très malveillant.
- Le terme « étoiles de Dieu » est habituellement interprété comme faisant référence aux créatures angéliques (Job 38.7). Le roi pensait-il vraiment pouvoir les dominer?
- Le roi s’imaginait-il vraiment pouvoir être semblable au Dieu Créateur, le Très-Haut?
En plus de ces ambitions douteuses, on appelle cette personne l’« étoile du matin » (Lucifer dans certaines versions de la Bible, un terme utilisé pour décrire une brillance et une beauté incroyables). M. Renald Showers donne une bonne explication de ce mot dans son livre intitulé Angels.
Le verset 12 fait référence à cet être comme étant un « Astre brillant, fils de l’aurore ». La racine du mot hébreu helel, traduit ici par astre brillant, représente la lumière diffusée par les corps célestes.
La désignation « fils de l’aurore » est la manière hébraïque d’appeler cet être aussi nommé « étoile du matin » dans d’autres traductions. Le mot traduit par « aurore » fait référence à la période qui précède le lever du soleil. L’étoile du matin est tellement beaucoup plus brillante que tous les autres astres que, lorsque la clarté de l’aurore rend tous les autres astres invisibles, l’étoile du matin demeure visible.
La logique derrière ces désignations amène à comprendre que le sujet du verset 12 est un être éclatant de lumière. Tout comme l’étoile du matin est la plus brillante des étoiles, cet être est le plus éclatant des êtres créés par Dieu.
Ce point est significatif pour plusieurs raisons. Comme nous l’avons indiqué précédemment, Dieu appelle les anges des « étoiles » (Job 38.7). La Bible décrit les anges, qui ne sont pas des êtres humains mortels, comme des êtres éclatants de lumière (Matt. 28.2-3; Apoc. 10.1). L’apôtre Paul appelle Satan « un ange de lumière » (2 Cor. 11.14).
À la lumière de ce que nous avons vu, on peut conclure qu’Ésaïe 14.12 ne fait pas référence à un souverain humain de l’ancienne Babylone. Le sujet est plutôt l’ange le plus brillant et le plus puissant de tous les anges qui vivait à l’origine au ciel. [traduction libre]
Dans Apocalypse 22:16, ce même mot est utilisé pour décrire la beauté de Christ. Qu’il soit aussi appliqué à un méchant roi de Babylone serait difficile à comprendre. D’un autre côté, le passage devient plus clair si Ésaïe avait changé de sujet en cours de route et commençait à se lamenter sur celui qui était le véritable maitre invisible du roi de Babylone, le grand contrefacteur, Satan.
Franz Delitzsch donne une bonne conclusion en citant l’ouvrage Théologie de base de Charles Ryrie.
. . . la chute du roi de Babylone est une figure de la précédente chute de Satan et un type de la future chute de l’antéchrist. Delitzsch dit de façon assez concise : « Un regard rétrospectif est maintenant jeté à l’autodivinisation du roi de Babylone, dans lequel il est une figure du diable et un type d’antéchrist. » (Franz Delitzsch, Biblical Commentary on the Prophecies of Isaiah [Edinbourg: T. & T. Clark, 1875], 1:312). Le passage transcende tout ce qui peut être dit d’un roi terrestre et a été compris depuis les temps anciens comme faisant aussi référence à la chute de Satan comme elle est décrite dans Luc 10.18. [traduction libre]
Lorsque nous avons écrit L’homme sur le chemin d’Emmaüs, nous n’avons pas voulu parsemer ce livre de « peut-être » et de « pourrait être ». Les incroyants éprouvent en effet de la difficulté à gérer les zones grises. Nous avons donc voulu ne présenter qu’un minimum d’incertitudes. Nous étions convaincus que les passages en question étaient assez clairs pour qu’on puisse les enseigner avec conviction et certitude, sur la base d’une exégèse et d’une interprétation historique sûres. Si nous n’avions pas pu être sûrs de la signification de ces passages, alors une foule d’autres versets auraient dû être déclarés aussi vagues. Par exemple, on n’aurait pas pu enseigner que le « serpent » du jardin d’Éden était Satan puisqu’il n’est pas identifié comme tel dans le passage. Pourtant, nous croyons que le serpent était bel et bien Satan et nous l’enseignons avec conviction puisque l’ensemble de la révélation biblique rend cela clair. Nous croyons que le même principe s’applique à Ésaïe 14 et à Ézéchiel 28.
Il est intéressant de voir comment Dieu nous révèle de l’information sur Satan dans toute la Bible, dans les écrits de beaucoup de prophètes et d’apôtres différents. De tous ces passages différents, nous obtenons une image unifiée et non contradictoire de ce à quoi ressemble Satan et de ce qu’il fait.
- Dans Luc 10.18, Luc nous dit que « Satan est tombé du ciel comme un éclair » et dans Ézéchiel 28, le prophète explique qui l’a précipité du ciel et pourquoi.
- 1 Timothée 3.6 indique que Satan a été jugé à cause de son orgueil. Ésaïe 14 nous donne plus de détails sur la nature de l’orgueil de Satan.
- Dans Jean 8.44, Jésus appelle Satan « le père du mensonge » et nous voyons ce maître du mensonge au travail dans le jardin sous la forme d’un serpent. « Dieu a-t-il vraiment dit…? » a demandé Satan trompeur. Gen. 3.1
- Dans Job 1.6-12, Job est accusé par Satan d’être un croyant des bons jours. Nous voyons que Satan cherche à prendre Job en faute et qu’il s’efforce de lui faire tourner le dos au Seigneur. Dans Apoc. 12.10, Satan est décrit comme « l’accusateur des frères » et dans 1 Pierre 5.8, on dit de lui que c’est un adversaire qui rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera.
Nous croyons donc que, lorsqu’on interprète Ésaïe 14 et Ézéchiel 28 à la lumière de l’ensemble des Écritures, on peut affirmer avec confiance que ces passages font référence à Satan.